Des embryons de la démocratie moderne identifiés dans le Fouta théocratique

Article : Des embryons de la démocratie moderne identifiés dans le Fouta théocratique
Crédit:
2 août 2021

Des embryons de la démocratie moderne identifiés dans le Fouta théocratique

Pour la plupart des historiens promoteurs des valeurs humaines, la première constitution étatique est africaine. C’est la charte de Kouroukan Fouga, tenue au XIIIe siècle sous le règne de Sunjata Keita dans l’empire du Mali.

A cette époque, il faut le souligner, l’empire du Mali englobait une partie du pays éponyme d’aujourd’hui, la partie mandingue de la Guinée, une partie de la Gambie et du Sénégal et une infime partie de la Côte d’Ivoire.

Aussi, entre l’an 1748 marquant la bataille de Talansan et la constitution du Fouta Théocratique, et 1898 correspondant à l’annexion du Royaume à la colonie des rivières du sud qui deviendront plus tard la Guinée. Et pendant cette période, les souverains peuhls ont fait preuve de génie et même montre d’une grandeur d’esprit très avancée pour l’époque, au point où certains de leurs actes sont aujourd’hui encore en cours dans les démocraties dites modernes.

Du lot de ces avancées, nous avons l’édiction d’une constitution, le droit de grâce, l’alternance au pouvoir et l’intronisation (investiture du souverain) et le respect de certains rudiments du droit humanitaire des années avant Henry Dunant.

La constitution du Fouta théocratique, plus vieille que la constitution américaine

Officiellement, et selon la convergence entre les chroniques traditionnelles et les enquêtes historiques faites sur les peuhls du Fouta Djallon, la bataille de Talansan, guerre sainte menée contre les animistes, s’est tenue en 1750 et juste après, les peuhls ont tenu leur congrès constitutif de l’état musulman du Fouta avec neuf provinces.

Dans cette entité, façon consensuelle pour éviter les tractations liées à l’exercice du pouvoir, la prééminence a été octroyée aux seydiankés de Timbo, et une autonomie a aussi été accordée aux chefs des diwés qui agissaient avec un maximum d’avantages, comme les gouverneurs dans certaines démocraties actuelles, notamment les Etats-Unis.

En se fiant aux dates officielles, par exemple édictée en 1750, la constitution Foutanienne est antérieure à celle des Etats-Unis, datant de 1776 seulement.

L’alternance au pouvoir et la prééminence de deux grands partis

Comme aux Etats-Unis de nos jours, deux grands partis animaient la vie politique dans le royaume : les Alfayas descendants ou partisans du premier Almamy Ibrahima Sambegou Barry, plus connu sous le nom de Karamoko Alfa mo Timbo, et les soryas, descendants ou partisans de son cousin et régent Ibrahima Sory Barry, connu sous le nom de l’Almamy Sory Mawdho.

La régence du second à la disparition de son cousin a d’ailleurs été le déclic qui a permis à sa descendance de revendiquer la succession au trône.

Ainsi, chaque parti qui parvenait au pouvoir devait régner pour une période de deux ans et devra se retirer pour autant de temps dans un village dit de sommeil, où le souverain en fin de mandat se consacrait à l’agriculture, l’élevage où à la pratique du culte. Pendant cette période, le souverain qui n’est plus aux affaires se retirait de la vie politique et ne devait aucunement interférer dans la gestion de son successeur.

Le droit de grâce : prérogative du roi de Kankalabé

Toutes les provinces n’avaient pas le même poids sur l’échiquier politique et stratégique du pouvoir des Almamys du Fouta Théocratique.

Pour illustrer cet état de fait, Labé peut servir d’exemple car étant la province la plus militairement forte, l’une des plus riches au plan économique et la plus étendue alors, ses limites allaient jusqu’au port de Boké et jusqu’aux portes du Ngabou (Guinée Bisau) vers Gaoual.

De la même façon, le roi de Kankalabé était le seul qui pouvait intercéder pour un infracteur.

Quel que soit sa faute, le citoyen qui entrait dans les dépendances de ce chef et venait lancer l’appel à la prière au niveau du fromager situé à l’entrée du village était désormais sous la protection du maitre des lieux qui avait l’écoute et l’estime du souverain du Fouta.

Ce droit de grâce est dans nos démocraties modernes, une prérogative du président ou des rois dans les derniers royaumes encore en vie selon le parallélisme des formes.

Les prémisses d’un droit humanitaire longtemps avant Solferino et Henry Dunant

Elevés dans la pratique de l’islam, les guerriers peuhls du Fouta Théocratique se gardaient de certains abus, notamment tuer des enfants, des femmes ou des personnes du troisième âge. Aussi, des catégories comme les maitres de la parole bénéficiaient d’un sauf-conduit qui empêchait qu’ils soient tués en période de paix comme en période de guerre.

Il était du rôle du Farba (maitre des griots) d’accompagner son roi où qu’il se rende, il était un notable, un conseiller qui buvait le miel et le fiel avec son roi et en période de guerre, il était sous le feu de l’action et était un témoin de premier plan du comportement du roi et de ses adversaires.

Ce rôle d’observateur était respecté et pas un belligérant ne s’attaquait à un farba et dans une forêt de turbans blancs, le sien était rouge pour faciliter l’identification.

Dans nos démocraties modernes, des catégories sociales comme les journalistes ou encore les agents de la croix rouge bénéficient de quasiment la même protection, sauf qu’en lieu et place du turban rouge, il y a les gilets frappés du logo de ces institutions et le badge.

Étiquettes
Partagez

Commentaires