Le mariage, les déboires et le bonheur

31 décembre 2020

Le mariage, les déboires et le bonheur

Le mariage, les déboires et le bonheur

Les cauris avaient livré leur verdict et les sages avaient consulté les astres. Tout semblait normal et les deux tourtereaux pouvaient convoler en justes noces.

A la fin de ses études, un piston avait permis à Habib de se mettre au service d’Elhadj « Guelloun », cossu commerçant connu de tout le monde à des milliers de kilomètres à la ronde.

Zena, elle, était belle comme une de ces orchidées sauvages, elle alimentait déjà les débats chez les hommes dans toute la ville.

Peu de temps après, les obligatoires démarches furent entreprises et le mariage se fit entre tradition et modernité, selon la mode du moment.

Au début, le foyer fut un havre de paix et pas l’ombre d’un malentendu ne vint le troubler.

Puis, l’année passa sans que Zena n’ait pris de rondeurs, les tracas vinrent jeter la discorde sur le couple.

La mère d’Habib, Ramata, se chargea d’ouvrir les hostilités. La vieille, connue pour sa hargne, son embêtement et sa volonté de tout contrôler, commença par échouer au domicile du couple à intervalle régulier, puis ne se gêna pas de s’enquérir du calendrier menstruel de sa bru. Toujours avec une feinte hypocrisie, elle fit mine de conseiller la jeune dame, tout en menaçant d’un séjour infernal la femme qui refuserait de porter la semence de son mari, sous entendant par là que la jeune dame refusait d’être mère et observait une planification familiale, ce qui n’était pas vrai.

Voyant que toutes ces démarches ne portaient pas les fruits qu’elle escomptait, la vieille Ramata engagea la vitesse supérieure, celle où il faut vider la bru et la remplacer par une nouvelle. Pour cela, il fallait jouer sur les nerfs de la malheureuse Zena et pour ça, elle pouvait compter sur le concours de ses mégères de filles.

Deux charpies, à qui la vie ne faisait pas de cadeau non plus.

La première avait été mariée quatre fois et ne parvenait toujours pas à garder son foyer. La plus jeune était une prostituée de luxe, derrière toutes les célébrités qui transitaient dans le coin.

Cette dernière particulièrement, à peu près de l’âge de Zena, lui vouait une haine vive qu’elle cachait à peine et c’était elle qui dans ses piques, criait comme un vieux disque rayé :

« Quand on a passé sa jeunesse à avorter, il ne faut pas s’étonner qu’aucun enfant ne veuille grandir dans un ventre qui n’est qu’une tombe » ou « je choisirai moi même  la future femme de mon frère, elle ne devra pas ressembler à n’importe quoi ! » qu’elle s’évertuait à répéter chaque fois qu’elle voyait la pauvre femme.

Blessants, les allusions, les regards et les mots l’étaient tous mais toute préoccupée qu’ était Zena, elle laissait passer, même si elle en perdait l’appétit et le goût de vivre.

Son corps ne cessait de maigrir et les cernes ornaient désormais ses yeux de biche.

Ce que Zena n’arrivait pas à comprendre plus que tout, c’est la volte face d’Habib, l’homme à qui elle avait donné sa fleur et son charme. Habib avait succombé à la volonté de sa mère et était partant pour convoler une nouvelle fois.

Le second mariage se préparait en sourdine et Zena comprit. On ne peut point cacher ces choses au flair féminin.

La nouvelle femme d’Habib était de  quelques  années  l’ainée  de Zena et  était  à  son  deuxième  mariage, belle, elle avait  connu  l’enfer des  violences  conjugales  et  du  divorce  avant  de  se  reprendre  en  main . Le petit  bout  de chou né  de la  première  union avait  juste   4 printemps et était resté chez sa mère.

La belle mère pour achever Zena ne cessait de vanter les qualités de sa conquête, car c’était bien la sienne, elle l’avait choisie, conduit les démarches nuptiales. Donc c’était son choix, sa conquête et pourquoi pas son combat?

Malgré toute cette énergie mise à détruire une vie, c’est aussi, elle, Ramata qui avait eu les  »gentils » mots que chez les peuls on tient à une personne dans la difficulté :

<< Ko mougnaal dey>>. Zena n’était pas dupe. Elle ne craignait pas de partager son mari, même si c’était loin d’être plaisant.

Pourtant, dans la famille d’Habib on n’entendait pas lui faire de quartier, pour que la victoire voulue par la mère et ses filles soit totale, il fallait que la première épouse s’efface, qu’elle parte. N’est-ce pas elle   qui  avait à  leurs  yeux ‘’envouté’’ Habib  pour qu’il n’ait  de  regard  que  pour  elle ?Comme si le cœur était un genou que l’on pouvait plier ou que l’on aurait pu contrôler ce genre d’évènements.

Puis, un bon matin, Habib entouré de sa famille qui ne voulait rater aucun détail de la disgrâce avait signifié la volonté de la voir quitter sa maison. Elle percevait les gloussements hypocrites des mégères de sœurs dans son dos et pouvait même deviner leur joie intérieure mais elle décida de faire dignement ce qu’elle avait à faire et quoi qu’il en soit de garder la tête haute.

Elle n’avait ni crié, ni insulté juste demandé à son homme de lui accorder une faveur, celle de la ramener dans les règles de l’art. Elle méritait de rentrer avec les honneurs et ce qu’accepta son mari qui ne comprenait pas que sa famille, ses sœur et sa mère venaient de le réduire à une vie d’enfer.

Habib fit un paquet de colas et réuni une délégation qui ramena son ancienne épouse  Zena au domicile de ses parent.

Pour tout parent,  cet instant est dur, voire  même insoutenable, cela pouvait jeter un discrédit sur l’éducation qu’il avait donnée à ses enfants mais les propos du griot avaient apaisé le père de Zena,  désormais  convaincu que sa fille n’était  en  rien  fautive et que le mari s’en était juste lassé d’elle.

Alors, il décida de mettre Zena en  »Edda », cette retraite purificatrice qui permet à une femme mariée de s’affranchir des liens de son précédent mariage.

7 mois plus tard, un jeune homme à qui l’aventure suisse avait réussi lui mit, la bague au doigt. Il avait de l’argent et cherchait une compagne, c’était chose faite. Il aima la jeune dame à la limite du possible. Au mariage, il lui accorda les faveurs d’une vierge et lui offrit un commerce et une luxueuse voiture neuve en guise de cadeau de noces. Et comme une réparation que Dieu lui accordait, 6 mois après, Zena avait pris des rondeurs, un bébé s’était réfugié dans ses entrailles. Elle avait chanceler de joie à l’annonce du gynéco et Ousmane son nouveau mari ne manquait pas de la mettre en confiance à propos de cet enfant qu’elle désirait tant.

<<Il viendra quand Allah le voudra>> disait il et cette fois, il était vraiment là car Dieu est du camp des justes, celui des patients.

Pendant ce temps, Habib souffrait le martyr et l’enfer que sa mère promettait alors à la douce épouse désavouée et chassée ans raison. Il avait épousé la bouteille et buvait désormais comme un polonais, son travail lui avait échappé et il n’était plus que l’ombre de lui même.

Sa femme, la nouvelle n’ayant pas supporté la déchéance de son homme était partie avec un nigérian, bien entendu après avoir siroté le nectar, elle laissait Habib dans le pire en lutte avec ses démons…

Cet après midi, la rue la plus fréquentée de la ville était noire de monde, la vieille Ramata attendait un taxi, il fallait jouer des coudes pour se frayer une place, son âge ne lui permettait pas de se livrer à ce jeu, alors elle attendait. Une grosse cylindrée s’arrêta à son niveau, elle était belle et la personne qui la conduisait encore plus, l’inconnu se gara, sortit du bolide avança vers la vieille femme et salua avec la flexion, signe de respect absolu en milieu peuhl:

<<néné on jaarama>>, la vieille paniqua, non ça ne pouvait pas être…Zena, mais la voix…, la vieille Ramata se crut la victime d’un djinn, si la  voix  était  familière, la  personne  en face  l’était  moins  ou  pas  du  tout. Elle sentit  ses  jambes  perdre  appui et  souriante, la  jeune  dame lui  serra  la main  et  l’entraina  vers  le  bolide, elle lui ouvrit la porte   et  aida  la  vieille  à  monter. Zena  conduisit  son ancienne  belle  mère  qui ne  se  risqua pas  à la  conversations  contentant  par  moment  de  satisfaire  son  incrédulité en  jetant  des  regards  circulaires.

La vieille  Ramata, malgré tout  les  efforts  maugréa : « Adouna  no  hewii bimbidje nani? », oui! La vie  était pleine  de  surprises,  elle se  ravisa et sourit machinalement.

Le reste du  voyage  se  fit  en silence…

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