Voyage au pays des contes, ou apprendre en jouant

17 juillet 2022

Voyage au pays des contes, ou apprendre en jouant

« Conte, conté, à conter es-tu véridique ? »

Amadou Hampaté Bâ, grand défenseur des traditions orales

Comme le définissait l’aîné du siècle dernier et grand maitre des traditions africaines peuhles Amadou Hampaté Bâ (1900-1991), le conte est « l’école du gai savoir » par laquelle l’apprenant peut jouer en se renforçant. Le conte est un récit imaginaire qui comporte bien souvent une morale, mais il est aussi une sorte de miroir où chacun vient se regarder afin de pouvoir analyser ses propres défauts.

Dans la société peuhle, dérouler un conte est du rôle des grands parents et c’était un moment unique sous le clair de lune ou autour d’un feu de bois.

Le conte est souvent sans auteur connu puisque chaque personne le tient de ses grands-parents qui le tiennent des leurs sur plusieurs générations.

Pourquoi la nuit pour dérouler les contes ?

Dans les sociétés africaines traditionnelles qui font usage du conte, la nuit est le moment parfait pour conter.

La journée, tout le monde est à son travail et ce n’est que le soir venu que toutes les couches de la société sont réunies. C’est alors l’occasion de communier autour de jeux divers pour les enfants ou autour d’un conte déroulé par un vieillard aux talons rugueux…

Le conte : Une opération discursive en trois parties

Le conte nécessite une certaine éloquence, une maîtrise des paraboles, proverbes et autres tournures propres à l’oralité africaine et aux maitres traditionnels de la parole. Il comporte le plus souvent trois parties.

  1. L’introduction du conte

Le conteur est face à son public et jauge leur motivation par la formule consacrée :

« Tale, tale… », qui veut dire, contextuellement, est-ce que le conte peut commencer ?

A l’assistance de répondre en chœur :

« Talate… »

Ce signal est la preuve que la veillée de conte peut démarrer…

2. Le développement du conte

Dans cette partie, l’attention du public est captée par la qualité du récit qui repose toute la rhétorique propre à l’oralité noire africaine (paraboles, proverbes, suspense et extrapolation…)

3. La conclusion du conte

Elle consiste très souvent en une leçon de morale.

Le conte permettait de fustiger, flageller des comportements humains ou de louer une bravoure en personnifiant des animaux ou des choses inanimées.

Exemple : Dans les contes africains, le lion symbolise l’autorité, la majesté ou la puissance ; la hyène symbolise la bêtise, la gourmandise et la niaiserie tandis que le lièvre symbolise la ruse, l’intelligence et la roublardise.

Des voix qui portent le conte au Fouta Djallon

L’on connaît aujourd’hui différents maîtres de la parole, dont des femmes. On peut notamment citer les principaux. Farba Ibrahima Sila Dieng est par exemple l’auteur de beaucoup de chroniques orales. Amadou Sow a marqué lui aussi plus d’une génération en maîtrisant l’art du conte dans les médias d’Etat. Ces dernières années, c’est la romancière Hadja Zeinab Koumanthio Diallo qui publie sans discontinuer des ouvrages de contes. Il y a « Diouma l’intrépide« , « Tyofun l’aigle« , « Nos amis les arbres« … ils se déroulent généralement dans un décor féérique et d’inspiration traditionnelle qui peut laisser sans voix le spectateur.

La relève de la romancière, dont les contes sont diffusés deux fois par semaine sur les ondes de la radio Espace Foutah, est presque assurée. Sa fille de 23 ans, la dernière de ses enfants, a choisi de lui emboiter le pas et anime une page intitulée « L’héritière » qui pulvérise les records de vue de ses aînés. Déroulant des contes en langue pulaar, une variété du peul, et n’hésitant pas à utiliser le cadre idyllique du musée familial dédié au conte pour charmer ses followers.

« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. »

Amadou Hampaté Bah
Conteurs du musée du Foutah à Labé, en Guinée – photo prise par l’auteur
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