Le 8 mars a le visage de ma mère

Article : Le 8 mars a le visage de ma mère
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28 février 2022

Le 8 mars a le visage de ma mère

Chaque année le 8 mars est célébré aux quatre coins du monde. En Guinée la cérémonie se résume quand elle se tient au partage d’un tissu, à la tenue d’un discours mirifique ridé par des autorités en déphasage avec la réalité et le détournement des fonds liés à la célébration par une poignée de personnes alors que les vraies femmes se cassent l’échine dans les champs, les cuisines, se grillent le cerveau à vendre quelques légumes. Les vraies femmes se battent contre les mariages précoces et forcées, les viols, la scolarisation, les grossesses à outrance etc.

Cette année, je ne crois pas que le 8 mars mérite d’être célébré en grande pompe. Ce serait maquiller la misère des femmes en une journée contre les injustices de tous les autres jours de l’année. Je crois qu’il serait judicieux de changer la forme de la célébration.

Pourquoi ne pas sortir avec les paniers vides pour dénoncer la vie chère ou réclamer au Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) les dépouilles de ceux qui avaient péri lors du putsch en septembre.

A date encore, il n’y a ni liste, ni chiffres officiels encore moins de restitution des corps aux familles.

Pour le prochain 8 mars consacré fête des droits des femmes, j’ai choisi de parler de celle que je connais le mieux, ma mère et ma meilleure école.

Portrait d’une Amazone des causes féminines

Hadja Koumanthio Zeinab Diallo est née à Daka vieux quartier de Labé en 1954 dans la famille aristocratique Kalidouyanké. Elle est descendante de Karamoko Alfa de Labé par ses deux parents et du héros national Alfa Yaya Kaade. Elle a grandi dans une société où l’égalité et l’équité entre hommes et femmes penchaient plus en faveur des premiers, mieux traités en tout lieu et temps.

Koumqnthio Z. Diallo  poétesse guinéenne
crédit photo: Ousmane Tounkara

Experte en développement rural, elle a vécu de près la misère de ses congénères dans la Guinée d’en bas à travers d’infinies missions de terrain. Elle a travaillé sur des approches plus inclusives que ses congénères. Cet engagement vaudra un combat pour la promotion féminine mais cette fois via sa passion littéraire. ‘’Moi, femme’’ son premier cri littéraire en dit long sur ses envies de traitement plus humain de la femme.

Koumanthio participera brillamment en 1995 au sommet de Beijing intitulé la marche mondiale des femmes.

Pleine de vision et fidèle à son créneau, elle initiera avec une poignée d’autres amazones un magazine féminin intitulé La plume. Quelques parutions et d’autres priorités rappelleront vite la combattante.

Consultante en santé génésique avec des institutions comme le Projet élargi de gestion des ressources naturelles (PEGRN) ou Population service international (PSI), elle capitalisera l’expérience des mutilations génitales féminines dans son livre les humiliées (pièce de théâtre primée du prix du chef de l’état) et dans les fous du 7ème ciel (prix du roman féminin 2014).

Comme une funambule de l’extrême et de l’esthétique, Koumanthio à toujours su se maintenir en équilibre entre tradition et modernité.

En 2001, elle cofonde le musée du Foutah à Labé avec son époux, Bonata Dieng  ancien diplomate, et s’attache à la préservation de la culture peuhle tout en animant son foyer coranique Fatima Zahara du nom de l’une des filles du prophète de l’Islam, Mohamet (PSL). Elle est Thierno depuis 2019. Thierno est un titre religieux que l’on attribue à ceux qui terminent le Coran et se soumettent au rituel d’une sorte de soutenance dont l’issue positive leur donnera des prérogatives dans la communauté cultuelle.

Auteur prolifique avec plus de 15 ouvrages édités, conteuse professionnelle, amie de la nature son jardin est un paradis vert, mère exemplaire, elle a élevé ses 4 enfants dans le strict respect de l’être humain, de la différence et de la culture du mérite.

Grand-mère merveilleuse, elle est l’amie de cœur de ses petits enfants qui lui vouent un culte.

La maison de Koumanthio est une école, mieux, une scène en permanence et chaque artiste y a sa place.

Ce qui fascine chez la poétesse, c’est qu’elle utilise l’arme du colonisateur, sa langue pour hisser sa culture dans une nouvelle dimension, sans pour autant verser dans l’extrémisme.

L’attraction, chez elle est qu’elle symbolise la vie dont rêvent des milliers de femmes : gloire et savoir tout en conservant la simplicité de son éducation dans sa nourriture, son habillement. Koumanthio cuisine, arrose ses plantes, lave la vaisselle, reçoit tout le monde à sa table sans distinction, elle lit sans cesse, de la littérature occidentale comme son Coran plusieurs fois par jour.

Être mère est un combat à toute épreuve, et avoir vécu à son ombre, à l’avoir vue inquiète  au chevet d’un de ses enfants malades ou l’avoir vu se battre comme une lionne pour leur inculquer la connaissance du monde et des livres  me permet de le dire sans l’ombre d’une hésitation.

Distinctions et honneurs récents

Au plan des distinctions, Koumanthio Zeinab Diallo est une habituée, mais pour les dernières engrangées nous pouvons citer :

Le prix spécial Mamadou Traoré de la PAWA 2016

Le prix baobab de la littérature guinéenne 2017

Le prix Birago Diop du conte de l’Association des écrivains du Sénégal

Choisie comme d’une des 100 personnalités peuhles les plus influences par Jeune Afrique dans « peuhls, identités remarquables». Elle est aussi reconnue comme l’une des 100 femmes qui ont marqué  les 60 premières années de vie de la Guinée libre.

Bibliographie

  • Moi, femme aux éditions Maguilen (Senegal) 1990
  • Comme les pétales du crépuscule aux éditions Castel (Guinée) 1995
  • Les épines de l’amour aux édition Harmattan Paris (France)1997
  • Pellun Gomdhi aux éditions Linda (Guinée) 1999
  • Pour les oiseaux du ciel et de la terre aux éditions Linda 2000
  • La mort de la Guerre prix Unicef de théâtre pour enfant aux éditions Linda (Guinée) 2000
  • Dadoo, l’orpheline et autres contes du Fouta Djallon (prix du meilleur conte guinéen)Harmattan Paris 2008
  • Le fils du roi et autres cotes du Fouta Djallon (prix du meilleur conte) Harmattan Paris2005
  • Ka wouro (prix du meilleur poème pular) AGUIPELLEN aux éditions Linda205
  • Les humiliées (prix meilleure pièce de théâtre panafricaine des écrivains) Harmattan Paris 2006
  • Les rires du silence (prix poésie de la panafricaine des écrivains) Harmattan Paris 2007
  • Les rires du silence (prix poésie panafricaine des écrivains) Harmattan Paris 2007
  • Ngotte, le génie de la chasse Harmattan Paris 2008
  • Ls fous du 7ème ciel (prix meilleur roman féminin en 2014) Silex
  • Fatima Zahara, la fille aimée du prophète 2015
  • Trois trônes pour une princesse aux éditions la Sahélienne 2017
  • Les roses de l’espérance aux éditions la Sahélienne 2020
crédit photo: Ousmane Tounkara Directrice générale Musée du Foutah

je veux vivre d’air pur dans un monde pur, un monde sans bombes, sans missiles.

Pour les oiseaux du ciel et de la terre 2000
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