Guinée : le crépuscule d’un opposant auquel le pouvoir a tourné la tête

Article : Guinée : le crépuscule d’un opposant auquel le pouvoir a tourné la tête
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8 septembre 2021

Guinée : le crépuscule d’un opposant auquel le pouvoir a tourné la tête

Dimanche 5 septembre 2021, la Guinée encore une fois fait face à son destin. Le vieil opposant parvenu aux affaires par la magie des élections les plus controversées qui puissent être et qui a viré en despote est annoncé capturé par une junte. Et cette dernière ne doit sa création qu’aux velléités de répression des opposants à l’Alpha gouvernance.

Alpha Condé a été renversé ! La nouvelle se propage rapidement comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux et un peu plus tard sur des groupes médiatiques comme Hadafo médias.

Une intervention chirurgicale dont la précision, la rapidité et la brutalité ont laissé sans argument la garde prétorienne de Condé. Deux ou trois d’entre eux y sont restés et les autres ont pris la poudre d’escampette.

Rien ne laissait présager un tel scenario et les guinéens le vivent même comme un rêve.

La scène qui s’est offerte là était impensable du commun des guinéens, même la veille encore. En effet, Alpha Condé et les siens semblaient tellement avoir une main mise sur le pays.

Le retour de manivelle qui fait mal

Les observateurs avertis diront que les ingrédients étaient réunis pour qu’un fiasco éclate. Et que tous les signaux étaient rouges, c’est de bonne guerre.

Après avoir tordu le corps à la constitution, emprisonné les libertés fondamentales, tenté d’éteindre les mouvements sociaux, ponctionné les ressources du sol et du sous-sol, tout en ôtant le pain de la bouche des citoyens en fermant sans aucune raison valable les frontières, l’état s’est permis la dernière erreur et la plus fatale. Demander aux citoyens de se serrer la ceinture, tout en s’octroyant une augmentation au niveau des budgets de fonctionnement du président et de l’Assemblée nationale monochrome.

Un coup d’éclat au gout de l’absolue majorité des guinéens

Le passage de la junte sur les médias d’état a permis de fournir des preuves matérielles que le vieux président n’est plus maitre ni de lui ni du pays. Pour cela, des vidéos humiliantes ont circulé, sur lesquelles le désormais ex président est trimballé comme un colis gênant. Des scènes de liesse ont éclaté sur l’axe d’abord de ce quartiers et communes favorables à l’opposition avant de se propager aux 4 coins du pays.

L’exception dans ces éclats de joie est dûe au fait que l’Est du pays, dans la région de Kankan, fief naturel du RPG (parti fondé par Alpha Condé) les citoyens ont ouvertement avoué leur ras-le-bol au régime du chef. Ils l’avaient pourtant soutenu contre le peuple de Guinée jusque-là. La chute d’Alpha Condé a visiblement fait plus d’heureux qu’on aurait pu imaginer et comble du désaveu, les citoyens ont vaqué à leurs affaires comme s’il ne se passait rien qui puisse engager l’intégrité de la Guinée.

RPG : Le silence des hypocrites

Depuis la déchéance de ‘’leur’’ champion, comme ils désignaient Alpha Condé, bien d’anciens dignitaires et bavards communicants officiels et officieux à outrance font profil bas. Ils ne se préoccupent plus que de leur sort, advienne que puisse de l’ancien mentor.

Les grandes gueules comme Domany Doré, député de l’Assemblée monochrome, Bantama Sow ‘’fidèle’’ ministre du Professeur Alpha Condé, sont subitement devenues aphones. Enfin jusqu’au soir du mardi où le parti a pondu un communiqué laconique et controversé, où il estime avoir pris acte du renversement du  président Alpha Condé et où il appelle au retour à l’ordre constitutionnel.

Suprême humiliation et total désaveu du PRAC, même par ces collaborateurs

La plus grande forme de désaveu du régime a été apportée par les collaborateurs même d’Alpha Condé, ses hommes de confiance.

Sans tenter quoi que ce soit, le Général Namory a rallié la junte. Dr Mohamed Diané à qui tout le monde prêtait la conduite du pouvoir paraissait doux comme un agneau à la convocation de lundi. Des maitres prestidigitateurs comme Tibou, qui sont les véritables scribes de la dictature, étaient là le visage par terre.

Tous sont désormais interdits de voyage, avec confiscation des documents y afférents et ont été sommés de transférer leurs véhicules de commandements aux secrétaires généraux qui font désormais office de ministres.

La constitution est suspendue, dix mois après avoir été imposée au peuple de Guinée au prix du sang et de la détention arbitraires de centaines de guinéens.

La grande inconnue de ce putsch

Si le coup d’éclat du Colonel Mamady Doumbouya soulage les guinéens, ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Car dans l’ombre, son silence sur ‘’l’essentiel’’ joue avec les nerfs des guinéens. D’autant plus qu’il n’a pas encore ni donné la liste des membres du CNRD, encore moins énoncé un carnet de route contrairement aux usages dans les coups de force en Afrique. En soi, cela constitue un facteur d’appréhension chez les observateurs.

L’opération de charme de la junte

Preuve de sa volonté de partir sur de bases nouvelles, la junte a libéré une brochette de ‘’détenus politiques’’. Le geste était nécessaire pour des gens devenus le symbole de la confiscation des libertés individuelles sur une base dictatoriale, notamment Foniké Mengué, les honorables Ousmane Gaoual Diallo et Cellou Baldé, Cherif Bah ancien gouverneur de la banque centrale de Guinée sous le régime Conté et d’autres. Mais le geste a malheureusement été élargi à des infracteurs sous le coup d’une entorse au droit commun.

De quoi il faut avoir peur dans ce coup de force ?

Cette liesse populaire est une image portant un air de déjà vu en Guinée avec des jeunes portant en triomphe les acteurs de la junte ou posant avec eux ou parfois même des jeunes filles embrassant à pleine bouche ceux qui sont devenus de facto leurs libérateurs.

Belle image pour réconcilier cette armée longtemps émasculée d’avec son peuple mais cependant l’identité de ceux qui conduiront la transition laisse planer le doute.

Ne referons nous pas les erreurs du passé ? Les mêmes qu’en 1984 ou encore en 2008 ? Rien n’est moins sûr, d’autant plus que des généraux comme Idi Amin jusque là ambassadeur au Cuba ont rapidement rejoint la capitale guinéenne.

La junte a certes libéré le peuple de la dictature d’Alpha Condé mais saura-t-elle pour autant trouver le juste milieu pour gérer rapidement et organiser une transition exemplaire en république de Guinée ?

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