La circoncision dans le Fouta Djallon traditionnel : une véritable école de vie

Article : La circoncision dans le Fouta  Djallon traditionnel : une véritable école de vie
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5 juin 2020

La circoncision dans le Fouta Djallon traditionnel : une véritable école de vie

Loin d’être une simple opération chirurgicale purificatrice, dans la tradition Ouest Africaine en général et en société peuhle en particulier, la circoncision était autrefois une vraie école initiatique.


Comme le groupe  était au centre des intérêts et guidait les individus, la circoncision se pratiquait sur une classe d’âge et ce passage solidaire à l’âge adulte faisait des membres de la classe des frères pour la vie.

Avant de traverser l’épreuve du couteau, le garçon était initié au Coran (tobhaande) et apprenait à lire de façon syllabique jusqu’à  en maitriser les rudiments et parfois même lire le coran en entier avant de devenir un homme.

Les préparatifs de la circoncision

Généralement l’opération se faisait après les récoltes et en conseil, les anciens décidaient de qui devait traverser l’épreuve et fixait une date, à partir de là les candidats devaient rendre une visite à leurs lignées paternelle et maternelle et partout, selon la disponibilité on leur faisait des cadeaux (volaille, argent, céréales, etc.).

Le boubou initiatique « Bila » aussi était apprêté, à l’époque, il fallait le teindre avec des écorces de certaines plantes locales de la famille des ficus (Dibhe, nonko, nombondeen, Thiete etc…)

C’est dans cette phase préparatoire que des plats sont préparés avec des herbes médicinales pour soigner les candidats et préparer leurs corps et esprits à ce qui profilait et la veille de l’épreuve un bain rituel leur est  donné.

L’eau du bain est obtenue en plongeant une lame de hache et de houe au feu jusqu’à blanc et les métaux rougeoyant y sont retirés et plongés dans une eau  limpide qui servira à laver le corps de chaque candidat. En pular, ce bain est appelé « ndyan teni et kerimelein » littéralement traduit  l’eau de la hache et de la lame de houe en référence à la solidité du métal qui sert à forger ces deux instruments aratoires qui sont aussi le symbole du labeur, puis l’on procédait au rasage de la tête des candidats.

Sur la route de la forêt

Le jour J, dès l’aube, la classe d’âge est conduite à la clairière choisie pour le passage de l’enfance à l’âge adulte, il est bon de rappeler que la circoncision servait de transition à ces deux étapes aussi.

Des jeunes ayant déjà franchi le cap avait été en amont choisi pour coacher les ‘’initiés’’ après l’opération et pour toute la durée de la convalescence jusqu’à la sortie de la retraite. Ces surveillants sont appelés « seema » et ils étaient chargés d’installer chaque garçon à s place et de le déshabiller  le moment venu pour l’opération et de lui placer une noix de colas entre les dents pour étouffer la douleur.

Puis dans la pénombre de l’aube, e rouge vêtu venait l’initiateur entouré de ses disciples, cérémonieux tous de rouge vêtus, le maitre, un sceptre à la main était le plus fascinant et il portait des clochettes aux hanches, chacun de ses pas vers la clairière rappelait l’imminence de la circoncision et cette descente à la fois attendue et inattendue glaçait de peur le pus courageux des hommes.

A son arrivée, le silence est à couper au couteau  et c’est lui seul qui  avait la prérogative pour la circonstance de le briser.

« Assalamaleykum ! Tes parents m’ont confié la mission  de te mettre sur la voie du prophète » répétait-il devant chaque gosse avant de pratiquer l’opération qui ne durait que le temps d’un clignement d’yeux.

La circoncision commençait par l’ainé du groupe ou le fils de l’ainé des parents dont les fils sont emmenés à la circoncision.

Après l’opération, chaque  nouvel initié était habillé par son oncle maternel choisi qui mimait deux fois avant de l’habiller pour de bon à la troisième tentative en prononçant des incantations inaudibles.

A la fin de l’opération autant il y avait de candidats et si tout s’était bien passé, le chirurgien-initiateur tirait avec son fusil autant de coups que de circoncis.

Les Bari jely étaient de grands sorcier qui disait-on lorsqu’ils étaient expérimentés pratiquaient l’opération sans contact. On se contentait de lui remettre des  citrons autant qu’il y avait de garçons à purifier et de son couteau d’opération, il ne tranchait que le citron et le candidat correspondant à ce fruit sentait une furtive douleur et sentait avoir été touché.

Quand les coups de fusil retentissaient, les jeunes  accompagnants portaient des branche et au pas de course rejoignait le village pour porter la bonne nouvelle du succès de l’opération alors la joie  commençait.

Une danse était organisée et ne concernait que le Bari jely et sa suite, celui qui a conduit l’opération ouvrait le rituel et devait aussi le clore. Et des cadeaux leur était fait.

Après ce rituel de danse, les initiés eux devaient manger un plat de riz spécifique appelé « gniri ngodjo » littéralement le plat pour exorciser la peur, il était concocté spécialement, avec des ingrédients recommandés pour une rapide guérison et une bonne endurance.

L’importance de la canne initiatique ‘’diraal’’

Pendant toute la durée de la convalescence, les initiés tiennent chacun une canne  droite et bien sculptée  et surtout décorée au bleu de linge ou par pyrogravure sur la partie supérieure, canne dont la résistance et la bonne tenue révélait des informations sur la future épouse de l’initié si elle était tordue ou courte le préposait risquait d’avoir une épouse similaire, si elle cassait l’initié n’avait pas longue vie et était à surveiller.

La clôture de la circoncision

Après près d’un mois ou un mois juste de convalescence, la plaie s’est cicatrisée et les garçons ont repris leur adresse et leur endurance habituelle alors une date est à nouveau fixée pour la fin de la cérémonie.

La veille un plat à base de mais local agrémenté de pattes et d’une tête de bœuf découpée est préparée et servie aux initiés et une nouvelle fois leur tête est soigneusement rasée et e lendemain, ils sont conduits  à la rivière où ils doivent prendre un bain purificateur.

On leur distribue des habits neufs et une procession les raccompagne  vers leur domicile familial à quelques mètres de là ils sont poursuivis  fouet  végétal en  main et chacun doit relever le défi  de aire trois fois la maison de sa mère ou de la première épouse de son père avant de s’y engouffrer.

Là aussi ceux qui tombent durant le parcours sont réputés avoir une courte vie.

Ce fouet qui les poursuivait doit finir  au niveau de la chambre maternelle et devait servir de premier combustible à la préparation du repas lors du mariage de l’initié.

Dans bien de cas à la sortie de la circoncision et dans les dix jours qui suivent le mariage du désormais homme que l’initié est devenu était célébré et sa case nuptiale était  furtivement aménagée et équipée pour deux avec charge pour le couple de lui apporter progressivement tout le confort qui sied à un ménage.

Cette fin d’initiation était aussi l’occasion de rappeler que les frères d’initiation se devaient assistance à vie, ils apprenaient aussi à maitriser leur libido et à ne pas batifoler de gauche à droite, on leur apprenait de ne jamais entrer dans une maison sans l’autorisation expresse du maitre des lieux et jamais à son absence.

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