Le Bénin, mon autre patrie

Article : Le Bénin, mon autre patrie
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23 septembre 2017

Le Bénin, mon autre patrie

Je crois que j’ai aimé le Bénin à l’instant même où j’ai foulé le sol de Cotonou. C’était une nuit de septembre 2009, peu avant minuit.
Jusque là, ce pays, je ne le connaissais que sur une mappemonde par les leçons d’histoire.
Béhanzin, Glélé, Aboli Agbo, que de noms ressassés des milliers de fois avant d’avoir l’occasion de m’imprégner de leur culture.
J’ai rencontré des gens formidables, accueillants et disciplinés. Aujourd’hui encore, c’est l’image que je garde du Béninois lambda.
Mes pas m’avaient conduit à l’école du patrimoine africain. Nous étions une poignée, un peu en dessous de la vingtaine, venus des quatre coins du berceau de l’humanité. Nos cultures étaient différentes, comme nos langues et très souvent nos cultes aussi. Seul dénominateur commun à notre arrivée, l’amour du patrimoine.
Dans mon imaginaire, Béhanzin avait une pipe .Je ne me souviens plus comment j’ai épousé cette idée, mais j’avoue qu’au contact du sieur Alexis Adandé, l’idée m’a quitté.
Ma passion pour l’histoire des civilisations et le gout de l’aventure agissaient comme une thérapie sur mon âme rebelle.
J’ai vécu à Porto Novo, ville musée, avec sa cathédrale vestige d’un passé négrier. Pendant de longs mois, mon quotidien, c’était le palais du roi Toffa. Sa statue géante, à quelques mètres de là, abrite un restaurant très convivial. C’est là qu’il y a six ans j’ai dû dire au revoir à mes condisciples. Le musée Da Silva, je l’ai vécu comme une frustration mal contenue, je ne me l’explique pas encore aujourd’hui. Est-ce lié au rôle de ces familles dans le trafic négrier ? Peut-être.
Pour rien au monde je n’aurai oublié le musée Adandé. Toutes ces heures qu’on y a passé, cette chaleur, oups ! Frank, comment va le Jardin des Plantes et de la Nature ? Cette ancienne forêt sacrée, qui fut un dépotoir avant d’être ce papillon que tu chéris. Abayi, merci.

Crédit photo:Ousmane Tounkara

Quelqu’un m’avait dit que le Bénin serait ma seconde patrie. Sept ans, après je ne peux que confirmer. Toutes ces émotions avec ma sœur Sonia, mon pote Fall, ces histoires partagées avec Modibo, Simo et Yves Arnaud, cette douceur de Jeanine, la joie de vivre de Francine, Rosaria, pour qui j’étais un ‘’tyran’’. Peut-être que j’en étais un.
Je n’oublierai jamais cette émotion sur la plage de Ouidah, ancien port négrier. Oui, j’ai vu de mes yeux la porte du non retour. Et dire que j’y ai joué au foot, m’y suis baigné. Ce n’est plus la porte du non retour, mais celle de l’Espoir…
Il faut dire qu’il y a eu du plaisir, en ce voyage d’études : les portes mystérieuses de Kétou, les sites d‘Agogointo, véritable forteresse souterraine, les palais royaux d’Abomey, le parc W de la Pendjari et sa diversité d’espèces, les chutes de Tanogou… tant de clichés qui défilent, inexorables, dans ma mémoire.
Je ne saurai parler du Bénin sans parler de sa cuisine.
Je n’étais pas un fin gourmet comme Sandrin, mais j’avais un coup de cœur pour l’igname pilée et l’Atassi , plat de riz fortement épicé accompagné de poisson ou d’un œuf dur. J’en ai l’eau à la bouche.
Ces vendeuses d’oranges et d’ananas avec le sourire et leur dextérité à peler une orange avec une lame de rasoir. C’était charmant, le geste, la précision surtout.
Le charme du Bénin se résume aussi dans les ‘’zemidjan’’, ces taxis motos à l’ouïe fine. ‘’Kekeno’’ faisait – on pour les appeler et deux ou trois faisaient la course pour venir nous prendre.
Une chose m’a aussi marqué chez les béninois, c’est la politesse, ils appellent tout le monde Tonton ou Tantine.
Ces femmes matinales, armées de branches de palmier balayant les rues, une bénédiction. Un geste qui me faisait détester Conakry, capitale poubelle. Le contraste était abyssal.
La plus grande séduction que j’ai eue, c’est l’attachement des béninois à leur culture, la force des croyances.
Le passage nocturne des veilleurs de nuit, les ’’zangbeto’’, tous les samedis, le ‘’egungun‘’ ou revenant que j’ai rencontré un jour et qui m’a pétrifié alors que tout le monde fuyait.
En parlant de ‘’Zangbeto’’ les amis, je pense à Noel Agossou et sa fameuse tirade lors d’un de nos exos au musée d’Adjarra : « où est Zangbeto ? »
Le Bénin, c’est aussi tous ses amis, Imourou, Armel, Armelle, Sonia, Chitou, celui que j’appelle le roi ‘’Toffa’’, Abibêko ! Et tous les autres morts ou vivants. Firmin et Edouard, reposez en paix.
Sonia, merci pour ces jours où tu prenais le groupe en charge.
Toutes ces personnalités que j’ai eues la chance de croiser m’ont transmises leur savoir et leur modestie. Gaël de Guichen, Dieu saura vous rétribuer.
A ma façon aussi, je vendais l’image de mon pays en concoctant du ‘’bissap’’. C’était ce jus obtenu à l’infusion de l’oseille de Guinée, sucré et parfumé.
Que de temps j’ai passé à scruter la nature, depuis ma chambre perchée au troisième. J’occupais la chambre 14, coincée entre celles de Emile et de Gérard.
Le premier était Béninois de Klouekamé, je n’écorche pas, j’espère et le second Tchadien.
En ces moments, j’ai gardé un lien ombilical avec mon pays à travers le phone, mais aussi ce yaourt ‘’Foula’’. J’en ai bu des litres, incapable de résister au sourire ravageur de la jeune fille peuhle représentée sur le pot.
En 2014, quand je suis revenu au Bénin, Sonia et son mari m’en ont apporté. Sacrée Sonia. Quand viendras-tu dans mon pays ? Non ! Ton pays, il y a des choses à partager ici aussi …

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Commentaires

Karym Fall
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Juste magnifique mon frère.
Ta plume, une fois de plus ne s'est pas plantée, et t'as bien su la coincé au rythme de ses souvenirs se défilant sous nos yeux tel un film documentaire.
Le Bénin, Ohh Oui ! mon frère ! Ce sera pour toujours notre deuxième partie.
À travers ces flashbacks je me retrouve et me remémore, parfois j'en ris, parfois une larme me trahit. Que de souvenirs intenses que cette patrie nous aura imposés...
Je te reviendrai mon frère, ...Promis nos souvenirs on va pas les taire.
"walhamdu laah moi ça va"